
La baisse des budgets marketing L'IA donne le ton
Article de la réclame du mois de mai 2025 : https://lareclame.fr/jeremy-lacoste-baisse-budgets-315885
Pas facile d’être un CMO en ces temps incertains ! La dernière étude du Gartner vient le rappeler : en période de crise, c’est sur le marketing que l’on vient taper.
Les années fastes et l’argent magique, c’est de l’histoire ancienne. Place à la cure d’amaigrissement sur les budgets. Pour cette année, ils représenteront 7,7 % du CA des entreprises interrogées. Et encore : l’enquête a été réalisée avant la politique de relèvement des droits de douane.
Pas de doute qu’à l’arrivée, ils seront même plus bas.
Et ce 7,7 % cache trois réalités :
– Seules les dépenses publicitaires vont progresser, passant de 2,1 % à 2,4 %. Là où à l’inverse, les coûts de prestation (outils et agences) et les recrutements risquent de se réduire.
– La projection de l’augmentation des investissements publicitaires ne vise qu’à compenser… l’augmentation des CPC/CPM observés. Plus de budget pour la même performance. Chaque euro dépensé rapportera donc unitairement moins qu’avant.
– 59 % des directeurs marketing estiment que leur budget 2025 ne leur permettra pas de réaliser leur objectif. L’arlésienne ? Pas tant que ça, puisque ce chiffre est en hausse de 5 points versus 2024.
Petite note d’espoir sur le court terme : les investissements digitaux sont en progression de +8 % sur Q1 2025 versus l’année dernière sur le marché français (source : BUMP). Pas sûr que cela soit tenace sur la durée.
On est donc en pleine quadrature du cercle avec un total désalignement entre l’évolution des budgets marketing et la topline business à atteindre, le tout dans un contexte de ralentissement mondial de l’économie.
Pour sortir de cette équation inextricable, une solution : tout miser sur la productivité. Et vous me voyez venir avec mes gros sabots. La majorité des boîtes font les yeux de Chimène à l’IA pour sortir de l’impasse.
L’IA… pour réduire les coûts
Dévoilons le pot aux roses : dans la plupart des P&L, l’IA est d’abord et avant tout vu comme un énorme cost killer. Et pas encore comme une opportunité de transformation majeure. Les discours à la Fiverr, Duolinguo, ou encore Shopify qui se proclament « AI First » sont encore minoritaires.
L’IA, c’est la bonne excuse pour ne pas recruter. À preuve, 4/10 des CMO interrogés par Gartner « souhaitent réduire les coûts de main d’œuvre cette année ». Sous-entendu, grâce à la démocratisation de l’IA dans les cycles de production des organisations, il sera ainsi possible d’augmenter le revenu par salarié produit.
En ligne de mire : l’automatisation des fonctions créatives et opérations publicitaires, mais aussi le pilotage algorithmique des dispositifs publicitaires.
C’est une trajectoire intéressante pour permettre le passage à l’échelle de la plupart des entreprises, mais il faut garder en tête que son déploiement ne peut s’effectuer qu’au prix d’un effort d’acculturation majeur.
Pour le dire autrement : l’IA n’est pas magique. Et comme tout modèle, elle repose sur une structure de données dont la qualité et le volume restent clés.
Il faut se garder, donc, de voir ces nouvelles technologies sous le seul prisme de l’économie avec un petit « e », au risque sinon de tomber dans le théorème Klarna, cette entreprise qui a licencié les ¾ de son service client au profit d’agents autonomes… avant de faire machine arrière cette année.
L’IA… comme agence augmentée
Réduction des effectifs, mais aussi internalisation. L’IA est vue par 1 CMO sur 5 comme une manière de « baisser la dépendance vis-à-vis des agences de publicité pour la création et la stratégie ».
Vu de ma fenêtre, on pourrait aussi le lire autrement : pour 4/5 des directeurs marketing, c’est un appel d’air à se faire accompagner pour monter rapidement en maitrise. Et le sens de l’histoire plaide pour ça : la sophistication algorithmique et la simplification UX des plateformes publicitaires se sont accompagnées d’un recours encore plus massif à des tiers.
Sans grande surprise, des arbitrages budgétaires sont à anticiper. Mon hypothèse : réduction des prestations type run de campagnes, au profit de missions d’accompagnement sur de la transformation, déploiement de workflows d’automatisation, d’acculturation technologique, de remise à plat de data model…
L’IA… pour piloter à vue
Il y a une règle imparable : à mesure que l’incertitude grandit, la culture du chiffre se fait pressante. En politique, c’est la consécration récente des économistes aux plus hautes fonctions. En entreprise, c’est l’empire du reporting adossé à un sur-outillage technologique à tous les étages. Plus c’est flou et plus on veut mesurer, chiffrer, évaluer… au risque de perdre de vue que c’est l’action qui crée.
Pas étonnant dans ces conditions que, dans l’étude Gartner, les CMO fassent de leur priorité n°1 leur ambition d’améliorer leur capacité à mesurer et restituer la performance de leurs actions. Se concentrer sur le thermomètre plutôt que sur la cause du dérèglement de température, c’est parfois plus facile…
Résultat, comme pour le COVID, il est fort à parier que les organisations risquent d’augmenter leur investissement « dans les technologies et outils marketing », au risque de complexifier encore plus leur stack technologique. Un chiffre : 30 % des outils achetés sont inutilisés aujourd’hui. Et combien le sont à moitié seulement ?
La mesure me paraît plutôt être un réflexe sain, tant qu’il ne tourne pas à l’usure. Trop souvent aujourd’hui, on constate qu’elle consomme un temps démesuré justement dans les organisations marketing.
Et pas certain que l’IA, à court terme, ne change cela. Les premiers signaux faibles identifiés montrent qu’elle ouvre plus de questions qu’elle n’apporte de réponses dans le pilotage de la performance.